Préservons la démocratie locale à Paris

lundi 17 février 2025

Par Emmanuel Grégoire, député de Paris

François Bayrou défendait il y a peu que « le mode de scrutin doit être enraciné dans les territoires ». Pourtant, le Premier ministre soutient aujourd’hui une réforme qui affaiblirait la démocratie locale à Paris, Lyon et Marseille. Incohérence de la parole politique d’un gouvernement en quête de nouvelles fractures ? En suspendant des textes prioritaires sur l’agriculture, les outre-mer ou la fin de vie, il semble vouloir faire passer en urgence une réforme électorale taillée pour limiter l’ampleur des défaites de la droite, incapable de convaincre les électeurs parisiens depuis 2001.

Modifier les règles du jeu à un an du scrutin, c’est mépriser les principes républicains. L’article L567-1 du Code électoral, introduit par la majorité de François Bayrou en 2019, interdit justement ce genre de manipulation opportuniste. Ce tripatouillage électoral, rejeté par une large majorité des élus parisiens de droite comme de gauche, n’a fait l’objet d’aucune discussion préalable avec la maire de Paris. Une méthode brutale, indigne d’un débat démocratique sérieux.

Un simulacre démocratique

On nous présente cette réforme comme un progrès démocratique. Pourtant, en quarante ans, aucune majorité battue dans les urnes n’a jamais pris l’Hôtel de Ville contre le choix des Parisiens. Jacques Chirac, Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo : à chaque élection, les électeurs savaient parfaitement pour quel maire ils votaient.

L’argument du « 1 personne – 1 voix » est un leurre. Ce projet ne corrige aucune injustice, il en crée de nouvelles : en instaurant un vote distinct pour les conseils d’arrondissement et le Conseil de Paris, on complique inutilement le scrutin. Deux bulletins, deux campagnes, deux calculs électoraux… et un résultat taillé sur mesure pour minimiser les pertes de la droite.

Car le gouvernement prétend vouloir un retour au « droit commun ». Mais il n’en applique qu’une version édulcorée, sur-mesure. Au lieu d’accorder une prime majoritaire de 50 % à la liste arrivée en tête, comme dans toutes les autres communes de France, il propose une prime de 25 %. Ce n’est pas tant une réforme pour faire gagner la droite que pour l’empêcher de trop perdre ! Une rustine électorale plus qu’une refonte démocratique.

L’affaiblissement des arrondissements et de la proximité démocratique

Ce projet recentraliserait le pouvoir en affaiblissant les arrondissements. Héritée de la Révolution et consolidée par la loi PLM de 1982, leur autonomie est une garantie de démocratie locale et d’équilibre. En détachant l’élection des conseillers d’arrondissement de celle du Conseil de Paris, on risque de priver des quartiers entiers de représentation municipale. Cette réforme crée un risque réel : des arrondissements pourraient ne plus avoir de conseillers de Paris, et donc plus aucun poids dans les décisions stratégiques.

Discutons des compétences avant de modifier les règles électorales

Si nous devons repenser la gouvernance de Paris, faisons-le dans l’intérêt des habitants, et non pour servir des calculs partisans. Cette discussion mérite mieux qu’un passage en force précipité à un an des municipales.

Avant de toucher au mode de scrutin, il faut d’abord débattre des compétences de chaque échelon : arrondissements, Ville de Paris, Métropole, et même la Préfecture de Police, dont le rôle reste une singularité dans notre paysage institutionnel. Moderniser Paris, c’est poser ces questions de manière transparente, en impliquant élus et citoyens.

Je crois en une démocratie locale forte, où chaque quartier conserve sa voix et son autonomie. Cette réforme, elle, affaiblirait la représentation des Parisiens et transformerait notre capitale en laboratoire électoral. Ne laissons pas la démocratie locale être sacrifiée sur l’autel d’intérêts partisans.

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